Afrique–Asie 2025 : les nouveaux flux qui redessinent la géo-économie entre APAC, ASEAN et BRICS
En l’espace de deux ans, une bascule géo-économique majeure
En l’espace de deux ans, les relations économiques entre l’Afrique et les puissances asiatiques ont basculé dans une autre dimension. Ce rééquilibrage n’est ni théorique ni diplomatique ; il se lit dans les cargos, les corridors ferroviaires, les concessions minières, les câbles numériques, et surtout dans les chiffres.
En 2024, l’Asie est devenue le premier partenaire commercial de l’Afrique, devant l’Union européenne. Et en 2025, ce glissement n’est plus une tendance : c’est un ancrage.
Derrière cette réalité, une question domine : quels types de business circulent réellement entre l’Afrique et l’APAC, l’ASEAN et les BRICS ? Et surtout, que racontent-ils de la nouvelle architecture géo-économique qui se met en place sous nos yeux ?
Une bascule silencieuse : l’Asie dépasse l’Europe dans les échanges africains
Les données officielles l’ont confirmé :
Autrement dit : quand un conteneur traverse l’océan Indien, il transporte bien plus qu’une marchandise. Il porte une recomposition stratégique.
Ce que l’Afrique importe : la “factory Asia” alimente la montée en puissance du continent
Cinq grandes familles dominent les importations africaines depuis les pays APAC/ASEAN/BRICS. Ensemble, elles pèsent plus de la moitié du total.
1. Machines et équipements industriels
Des chaînes de production aux transformateurs électriques, en passant par les télécoms et l’électronique, l’Afrique importe massivement ce qui lui permet de construire ses propres industries.
La Chine, le Vietnam, la Corée et le Japon occupent l’essentiel du terrain.
Les corridors logistiques portuaires africains sont saturés de conteneurs d’équipements qui alimentent usines, travaux publics et modernisation numérique.
2. Véhicules et pièces détachées
L’automobile asiatique est devenue omniprésente : véhicules neufs, bus, camions, motos, et tout l’aftermarket qui accompagne une mobilité de masse en pleine expansion.
Les filières locales d’assemblage, encore limitées mais en croissance (Maroc, Afrique du Sud, Égypte), s’imbriquent dans ces flux.
3. Produits énergétiques et pétrochimie
Contrairement aux idées reçues, l’Afrique importe toujours une part significative de ses produits raffinés.
Les hubs BRICS+ — Émirats arabes unis, Arabie saoudite, Inde — prennent une place croissante dans l’approvisionnement en carburants, lubrifiants et produits dérivés.
4. Céréales et agro de base
Riz d’Asie du Sud-Est, blé d’Inde ou d’Australie, huiles alimentaires.
Pour plusieurs pays africains, l’Asie est devenue un pilier de la sécurité alimentaire.
5. Matériaux et équipements pour l’infrastructure
Matériaux et équipements pour l’infrastructure : rails, turbines, câbles, modules préfabriqués nécessaires aux projets EPC, majoritairement portés par des groupes chinois ou asiatiques, s’accompagne d’un flux massif d’imports techniques.
Ce que l’Afrique exporte : les ressources critiques au centre d’un nouveau rapport de force
Si l’Afrique importe la capacité de construire, elle exporte les matériaux qui alimentent la croissance asiatique.
1. Mines et métaux stratégiques
Le cœur du commerce Afrique → Asie, ce sont les minerais critiques, au cœur de la transition énergétique mondiale : Le cuivre, le cobalt, le lithium, le manganèse, la bauxite, le nickel… tous indispensables à l’électronique, aux batteries et à la transition énergétique.
Quelques chiffres qui résument la réalité :
Les deals prennent souvent la forme de concessions, de préfinancements intégrés et contrats d’offtake agreements verrouillés sécurisés sur dix à vingt ans.
2. Hydrocarbures et énergie
L’Afrique reste également un acteur clé dans les hydrocarbures, avec une forte demande asiatique sur le brut et le gaz. La Chine, Inde et Corée absorbent une part importante de la production de l’Angola, du Nigeria, du Mozambique ou de la Tanzanie.
Parallèlement, les consortiums asiatiques investissent dans les infrastructures énergétiques et s’impliquent dans les méga-projets gaziers (LNG), dans les centrales électriques et dans les réseaux.
3. Agro-export et soft commodities
Cacao, café, thé, coton, fruits tropicaux, huiles végétales.
L’Asie renforce sa présence sur ces marchés longtemps dominés par l’Europe.
Les chaînes de valeur agricoles marchés qui sont en pleine mutation commencent à se restructurer pour intégrer des exigences de qualité, de certification et de logistique plus rigoureuses.
Les investissements asiatique : APAC/BRICS un moteur de développement structurant qui redessinent les priorités du continent africain
Selon les estimations internationales, l’Afrique a attiré près de 100 milliards de dollars d’investissements directs en 2024, un record, largement porté par l’Asie via ses puissances APAC, ASEAN et BRICS, redéfinit les priorités industrielles et infrastructurelles africaines.
Les secteurs privilégiés où se concentrent les capitaux asiatiques :
1. Mines & métaux
Le secteur le plus puissant : exploration, extraction, transformation primaire, logistique.
Les BRICS et l’APAC y jouent un rôle central.
2. Énergie (fossile et renouvelable)
Centrales solaires, parcs éoliens, réseaux haute tension, mais aussi méga-projets gaziers.
Les banques et fonds asiatiques sont souvent les premiers financeurs.
3. Infrastructures
Corrridors ferroviaires, ports en eau profonde, zones économiques spéciales, smart cities.
Les projets s’inscrivent dans une logique de blocs : logistique, énergie, industrie, exportation.
4. Manufactures
Assemblage automobile, textile, électronique légère, matériaux de construction.
L’Éthiopie, l’Égypte, le Maroc ou le Rwanda accueillent des capacités de production qui n’existaient pas il y a dix ans.
5. Télécoms et numérique
Backbones fibre, 4G/5G, data centers, fintech.
L’APAC teste l’Afrique comme prochain grand marché d’expansion numérique.
Une question s’impose : l’Afrique vend-elle ce qu’elle doit, et importe-t-elle ce qu’il faut ?
Ce basculement Afrique–Asie n’est ni bon ni mauvais en soi cela est une réalité ambivalente. L’Afrique importe son outillage de modernisation et exporte ses ressources. Mais l’étape intermédiaire de transformation et de montée en valeur manque encore. Des pays comme le Maroc, l’Égypte, le Rwanda ou l’Afrique du Sud amorcent cette mutation, cruciale pour éviter le piège des simples matières premières.
Il dépendra de la manière dont le continent choisira d’en tirer parti.
Naviguer entre offres concurrentes de l’Est et pressions occidentales exige de la vigilance pour garantir des partenariats équitables, transparents, et porteurs d’industrialisation.
Les flux montrent deux réalités :
Ce qui manque encore, c’est l’étape intermédiaire : la montée en gamme, la transformation locale, la captation de valeur.
Certains pays l'amorcent — Maroc, Égypte, Rwanda, Afrique du Sud, Kenya, Ghana — mais l’enjeu se joue désormais à l’échelle continentale.
Un nouvel échiquier géo-économique
Derrière les cargos, il y a des stratégies.
Les pays APAC/ASEAN/BRICS cherchent un accès sécurisé aux ressources critiques et une extension stratégique des chaînes de valeur. L’Afrique cherche capitaux, technologies et partenariats pour accélérer son industrialisation.
Les prochaines années seront décisives et verront l’essor des corridors ferroviaires transcontinentaux, l’intégration des zones économiques spéciales, la montée en puissance des industries batteries, des hubs logistiques connectés à l’océan Indien, et des fonds souverains africains investis dans l’industrie.
La relation Afrique–Asie n’est plus une projection.
C’est l’un des piliers de l’économie mondiale de 2025 – un pilier appelé à peser encore davantage à se renforcer dans la décennie qui vient.
Sources principales :
• MOFCOM (China-Africa Annual Report 2025)
• Afreximbank Annual Trade Report 2025
• UNCTAD World Investment Report 2025
• Banque mondiale, FMI, IRIS, JETRO, KOTRA, ASEAN (2024-2025)
• Agence Ecofin (2025)
• Banque africaine d’import-export, Afreximbank (2025)