L’Afrique fait face à des défis de financement considérables, entravant la croissance des entrepreneurs africains et la réalisation de projets d’infrastructures essentiels. Dans ce contexte, les BRICS, avec leur Nouvelle Banque de Développement (NDB), émergent comme des acteurs clés, promettant d’offrir des alternatives financières viables. Cependant, beaucoup se demandent si cette coopération Sud-Sud se traduira par un véritable accès au financement ou si elle ne sera qu’un mirage, incapable d’atténuer la méfiance bancaire qui persiste face aux risques souverains.
Le partenariat entre les pays des BRICS, incluant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, pourrait bien redéfinir le paysage financier en Afrique. Des institutions comme l’Afreximbank et la Banque africaine de développement (BAD) jouent un rôle crucial en fournissant des garanties et en renforçant la confiance financière nécessaire pour mobiliser les investissements internationaux. Cet article explore comment ces dynamiques peuvent transformer le financement en Afrique et donner aux entrepreneurs africains les moyens de réaliser leur potentiel.
Pour nombre d’entrepreneurs, obtenir une garantie bancaire — ce sésame qui rassure les investisseurs et les créanciers — relève encore de l’impossible. Derrière les vitrines de la finance globale, une réalité demeure : le manque de confiance vis-à-vis des projets africains. Mais à l’heure où les BRICS élargis (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud et nouveaux entrants) se posent en alternative à l’Occident, une question surgit : que changent-ils vraiment pour les porteurs de projets africains ?
Résultat : même lorsque le projet est bien structuré et économiquement viable, la confiance fait défaut. À ces risques, il faut ajouter l’instabilité politique, les fluctuations des devises africaines et la lourdeur des réglementations, qui refroidissent les investisseurs potentiels. Pour que les entreprises locales puissent croître et innover, la garantie bancaire, censée rassurer les investisseurs ou partenaires, devient un obstacle insurmontable.
Il est donc impératif d’établir un climat de confiance, capable de rassurer les prêteurs sur la viabilité et la sécurité des investissements.
La garantie bancaire (ou Standby Letter of Credit – SBLC, pour reprendre le terme anglo-saxon) est censée protéger un créancier contre le défaut de paiement d’un emprunteur. En théorie, c’est un outil neutre : une promesse ferme qu’une banque paiera si le projet échoue.
En pratique, les banques internationales rechignent à émettre ces garanties pour des entrepreneurs africains. Trois arguments reviennent :
Résultat : l’accès au crédit reste verrouillé, sauf à passer par des structures adossées à un État ou par des consortiums internationaux.
Face à cette situation, les BRICS affichent un discours séduisant : solidarité Sud-Sud, financement des infrastructures, indépendance vis-à-vis du dollar. La Nouvelle Banque de Développement (NDB), créée en 2015 à Shanghai et présidée un temps par l’ancienne présidente brésilienne Dilma Rousseff, symbolise cette nouvelle ère. Son mandat : financer des projets d’infrastructures dans les pays émergents, y compris africains, en se démarquant de la Banque mondiale et du FMI.
En pratique, la NDB a financé plusieurs projets en Afrique du Sud et entamé des discussions avec l’Égypte et l’Éthiopie. Mais ses lignes de crédit restent majoritairement dirigées vers des États ou de très grandes entreprises publiques, rarement vers les petites structures privées.
La réalité tempère donc les espoirs :
L’Afrique n’est pas exclue, mais l’entrepreneur individuel reste largement invisible dans ces circuits.
Si les BRICS se positionnent comme des partenaires stratégiques pour l’Afrique, la logique bancaire, elle, reste inchangée.
En d’autres termes, la méfiance n’a pas disparu : elle s’est simplement déplacée d’un centre financier occidental vers un centre multipolaire, sans que les critères deviennent plus souples.
Les capitales africaines accueillent favorablement le discours d’un « nouvel ordre financier mondial ». Mais pour l’homme ou la femme d’affaires de terrain, la réalité est plus nuancée. Trois attitudes dominent :
Des institutions panafricaines tentent d’apporter des solutions plus accessibles. Afreximbank développe par exemple des garanties commerciales pour les exportateurs africains, leur permettant de sécuriser des contrats internationaux. Elle propose également des lignes de crédit adaptées aux devises africaines et au commerce intra-africain, contribuant à réduire la méfiance bancaire.
De leur côté, la Banque africaine de développement (BAD) et les banques régionales, comme la BOAD en Afrique de l’Ouest, mettent en place des mécanismes de partage de risque. L’objectif : encourager les banques locales à prêter davantage en atténuant la perception de risque.
L’enjeu est clair : créer une confiance endogène, pour que les projets africains ne dépendent pas éternellement du regard extérieur.
Le paradoxe est cruel : jamais l’Afrique n’a eu autant d’opportunités économiques, et jamais l’accès au financement n’a semblé aussi verrouillé. Les BRICS offrent une diversification géopolitique et de nouvelles vitrines institutionnelles, mais leur approche reste sélective, souvent tournée vers les États et les grands acteurs.
Ils ne représentent pas encore une alternative massive et inclusive pour les porteurs de projets privés. L’avenir dépendra de la capacité des institutions africaines à créer leurs propres mécanismes de garantie crédibles, capables de dialoguer d’égal à égal avec les grandes banques internationales, qu’elles soient occidentales ou issues des BRICS.
Pour l’entrepreneur africain, la bataille n’est pas seulement financière : elle est aussi symbolique. Elle consiste à démontrer que l’innovation locale, même sans pétrole ni cuivre en garantie, mérite une confiance bancaire.